Communiqué de la Coordination nationale de l’Éducation
(Chaîne des Bahuts et des Écoles)
La Coordination nationale de l’Éducation qui s’est tenue ce mercredi 15 avril a réuni une centaine de personnels de l’Éducation issus de 19 académies (dont la Martinique), du premier et du second degrés, de toutes catégories (enseignant.e.s d’écoles, collèges et lycées, titulaires ou non, de l’enseignement public ou privé, en Éducation prioritaire ou non, de l’enseignement adapté ou spécialisé, CPE, PsyEN, AESH…), en présence de représentant.e.s de la Coordination Lycéenne Nationale. Alors que le confinement a tendance à isoler, c’est notre plus importante réunion de coordination nationale en terme de participant.e.s et d’académies.
La Coordination nationale de l’Éducation a adopté un communiqué personnels – lycéen.ne.s – parents d’élèves contre la réouverture des écoles le 11 mai, en commun avec la Coordination Lycéenne Nationale, le collectif Parents pas confiants, les Stylos Rouges et Bloquons Blanquer (communiqué à retrouver en pièce jointe).
Parce que « nous ne ferons pas courir de risque inutile aux personnels, aux élèves et à leurs familles ou à la santé publique » et que « l’école n’est pas la garderie du Medef », ce communiqué commun conclut que « l’ouverture des écoles et établissements ne pourra pas avoir lieu à partir du 11 mai » et que « tant que la réouverture fera courir le risque irresponsable d’une deuxième vague meurtrière, ce sera sans nous. » En conséquence, ce communiqué commun demande que «Macron et Blanquer reviennent à la raison et abandonnent la réouverture des crèches, écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai ».
Cette déclaration commune personnels – lycéen.ne.s – parents s’appuie sur l’avis du CHSCT ministériel du 3 avril (voté par la FNEC-FP-FO et la FSU) qui « demande un dépistage généralisé des personnels et des élèves comme préalable à toute reprise d’activité ».
Depuis la Coordination nationale de l’Éducation de ce mercredi, l’avis du CHSCT ministériel a été complété ce vendredi 17 avril par une lettre ouverte commune adressée à Blanquer par une très large intersyndicale nationale de l’Éducation aux côtés de la FCPE et des organisations lycéennes (CGT Éduc’action, FAEN, FSU, Sgen-CFDT, SNALC, SUD Éducation, UNSA Éducation, FCPE, FIDL, MNL, UNL).
Ce courrier unitaire pose en effet « des conditions sine qua non à la reprise » (des tests pour les élèves et les personnels comme le CHSCT ministériel, mais aussi masques et gel hydro-alcoolique, désinfection des salles, distanciation sociale, etc.), et conclut que « si ces conditions n’étaient pas remplies, les risques encourus par les élèves, les personnels, et la population devront conduire à différer l’ouverture prévue à partir du 11 mai ».
N’oublions pas que la première victime française du Covid-19 était un enseignant en collège dans l’Oise, que de nombreuses contaminations ont déjà touché les collègues volontaires pour accueillir en petits groupes les enfants de personnels soignants, conduisant même à la fermeture de plusieurs écoles en toute discrétion, et que nombreux sont les personnels de toutes catégories touchés par la maladie dans nos écoles et établissements (comme par exemple Benjamin Amar, professeur de lycée pro en région parisienne qui, après avoir passé 10 jours en réanimation, s’oppose dans une interview à BFMTV à une réouverture des écoles et établissements le 11 mai… alors que justement, les lycées professionnels sont instrumentalisés comme « alibi social » par Blanquer malgré leur démolition méthodique). Pourtant, aucun bilan chiffré n’est réalisé par nos administrations sur la prévalence du Covid-19 dans nos écoles et établissements, aussi bien chez les élèves que chez les personnels de toutes catégories.
Par ailleurs, ce sont désormais les personnels soignants eux-mêmes qui s’expriment sur la réouverture des écoles et établissements. Après deux mois de lutte acharnée pour sauver des vies, comment accepter de déborder à nouveau les hôpitaux avec une deuxième vague épidémique, d’autant que le déconfinement et la réouverture des écoles devraient conduire à réorienter les indispensables équipements de protection vers des activités non essentielles, alors qu’il faudrait les réserver en priorité aux personnels de la santé ?
C’est par exemple ce que déclare l’intersyndicale CGT – FO – SUD de l’hôpital Beaujon en région parisienne :
« En l’absence de masques FFP2 pour les 2,5 millions d’élèves et les 200 000 agents de la région parisienne, en l’absence de gels hydroalcooliques à l’entrée de chaque établissement et de chaque classe, en l’absence de tests de dépistage pour tous les enseignants, agents et élèves avant le 11 mai, nos hôpitaux subiront inévitablement une 2ème vague épidémique, qui pourrait être encore plus meurtrière dans la mesure où, selon les estimations, seulement 10 % de la population [dans les régions les plus touchées] présenterait une immunité. »
De même, les positions intersyndicales interprofessionnelles se multiplient sur la réouverture des écoles et établissements, comme par exemple celle de l’intersyndicale des Unions Régionales d’Île-de-France (CGT – FO – FSU – Solidaires – UNL – UNEF):
« Dans un mois, nos enfants seraient amenés à reprendre l’école : les mesures seront-elles prises pour les protéger du virus dans une classe, dans une cantine ? Pour les protéger lorsqu’ils prendront les transports en communs ? Pour protéger les enseignants, les parents ? […] Les URIF exigent en conséquence le dépistage des 2,5 millions d’élèves, ainsi que des 200 000 enseignants et agents de la région parisienne. […] L’école « garderie » pour libérer les salariés ? Il s’agit donc bien de choix : l’économie avant les vies. »
Rappelons également différents avis sanitaires et scientifiques, utiles pour informer et prendre position, qui pointent l’absurdité d’une réouverture des crèches, écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai :
- L’interview à FranceInfo du président de la Fédération des médecins de France, qui indique que « la réouverture progressive des crèches, des écoles et des lycées fait courir un risque inutile »
- L’interview au Figaro du président du Conseil national de l’ordre des médecins (article complet, « Pourquoi l’Ordre des médecins s’oppose à une réouverture précoce des écoles »), qui déclare que « ce choix révèle un manque absolu de logique », qui note qu’il y a « une pression importante pour permettre une reprise économique rapide », et qui préconise la réouverture des écoles et établissements en septembre.
- Une étude prévisionnelle d’une équipe de l’INSERM sur la deuxième vague épidémique en Île-de-France, qui, dans ses différents scenarii, n’envisage même pas une réouverture des écoles et établissements avant l’été (voire avant l’automne ou l’hiver !).
- En revanche, aucune trace de l’avis du « Conseil scientifique » installé en catastrophe par Macron, qui n’est visiblement pas consultable contrairement à ses précédents avis. Entendu au Sénat, son président indique pourtant qu’il table sur « 10 000 ou 15 000 nouvelles contaminations par jour » à la mi-mai !
Les avis des institutions médicales et sanitaires sont donc suffisamment clairs sur l’impossibilité d’une réouverture des écoles et établissements le 11 mai, voire pour certains d’ici septembre.
Ajoutons à cela les situations particulières des élèves et personnels « à risque de développer une forme grave » ou vivant avec des personnes à risque. Sachant que le président du « Conseil scientifique » évoque entre autres « des sujets jeunes ayant une pathologie, mais aussi obèses » et estime qu’il y a 18 millions de personnes à risque en France, faudra-t-il faire ce genre de sélection abjecte à l’entrée de nos écoles et établissements ? De même pour les élèves en situation de handicap : comment imaginer que la moindre distanciation sociale puisse être respectée par les AESH, comme le pointe une tribune Mediapart d’une AESH (« Réouverture des écoles le 11 mai : les AESH au casse-pipe ! »). Sans parler de la situation des ATSEM, et plus généralement des écoles maternelles et élémentaires, bien entendu.
Pourtant, l’expérience toute récente du Québec doit renforcer notre détermination à obtenir le report de la réouverture des écoles et établissements. En effet, le gouvernement québecois a annoncé ce 10 avril une réouverture des écoles pour le lundi 4 mai, mais a aussitôt dû reculer devant l’indignation soulevée !
Les réactions nombreuses, déterminées et unitaires qu’ont soulevées les annonces de Macron et Blanquer, aussi bien chez les personnels que chez les parents d’élèves, peuvent et doivent donc se multiplier et être diffusées, prendre position sur l’impossibilité d’une réouverture des écoles à partir du 11 mai, et exiger des conditions de sécurité, dont par exemple des tests systématiques et des masques pour tous les personnels et usager.e.s.
Vu les pseudo-concertations de Blanquer pendant encore une semaine, la tenue d’AG nombreuses doit être un élément déterminant pour obtenir, comme au Québec, le recul du gouvernement sur sa décision irresponsable. C’est déjà le cas par exemple au lycée Le Castel à Dijon, dans plusieurs écoles de Villeurbanne, et bien entendu lors des réunions de coordination nationale de l’Éducation, qui s’appuient sur ces AG tenues à distance (par exemple grâce à FreeConferenceCall et son tutoriel).
N’hésitez pas à diffuser largement toutes ces informations et les différents communiqués communs.