Madame la Première Ministre,
Messieurs les ministres,

 

Vous avez enfin invité l’intersyndicale à cet échange.

Cette sollicitation a été comprise comme une invitation à parler exclusivement du sujet des
retraites. Vous le savez, vous l’avez sans doute vu et entendu, votre réforme des retraites suscite
un rejet massif de l’ensemble de nos organisations, un rejet massif de l’opinion publique,
l’opposition forte d’une large majorité qui s’exprime dans le pays.

Dès les concertations que vous avez voulu engager en septembre, vous connaissiez nos lignes
rouges : pas de recul de l’âge de départ, pas d’allongement de la durée de cotisations, ni
d’accélération de la réforme Touraine, et maintien de tous les régimes existants.

Nous étions prêts, en revanche, à étudier des pistes alternatives aux mesures d’âge, nous étions
prêts à parler emploi des seniors, aménagement des fins de carrière, pénibilité, égalité entre les
femmes et les hommes, pouvoir d’achat des retraités, conditionnalité des aides publiques … Les
sujets ne manquaient pas et cela devait être un préalable pour FO.

Force ouvrière a fait de nombreuses propositions en ce sens que nous avons remis au ministère du
Travail. Elles ont été très largement ignorées.

Vous avez voulu maintenir le cap des mesures d’âge. Depuis bientôt trois mois, des millions de
salariés, de jeunes, de retraités expriment avec force leur refus d’un recul de l’âge légal à 64 ans et
d’un allongement des trimestres de cotisation. Depuis le 19 janvier, nous avons organisé 11
puissantes manifestations, réunissant à chaque fois des millions de personnes pour exprimer le rejet
de cette réforme.

La grève et la mobilisation a pris des formes diverses, dans l’ensemble des secteurs d’activité,
notamment dans les villes petites et moyennes, de manière continue, et lors des grandes journées
de manifestations, que nous n’avons plus connues depuis des décennies.

L’intersyndicale a démontré sa capacité à organiser des grèves et des mobilisations massives, dans
le calme, pacifiques, et dans le refus de la violence.

Avec les différentes hésitations, justifications, changements de communication, et même
contrevérités, vous n’avez jamais réussi à convaincre que cette réforme allait dans le sens de la
justice et du progrès social. Ce n’est pas le résultat d’un manque de pédagogie. Ce rejet n’est pas le
résultat d’une mauvaise compréhension de cette réforme par les Français.

Au contraire, cette réforme a été très bien comprise par l’ensemble du monde du travail, de la
jeunesse et plus largement par l’ensemble de la population.

Elle est perçue, à juste titre, comme FO ne cesse de le dire, comme brutale, injuste et injustifiée par
les salariés qui ont tous bien compris qu’ils devront travailler plus longtemps.

Injuste car les premiers touchés seront ceux qui ont commencé à travailler tôt, les moins diplômés,
les plus modestes, les carrières hachées, les femmes, ces dernières notamment devant travailler
toujours plus longtemps pour obtenir une retraite à taux plein qui n’atteindra même pas les 1200€.

Injustifiée car nos régimes de retraite ne sont pas au bord de « la faillite », comme certains membres
du gouvernement le disent. Les dépenses ne sont pas dans une dynamique incontrôlée et les déficits
que vous projetez sont très largement maîtrisés et maitrisables.

Brutale car ce rendez-vous d’aujourd’hui s’inscrit dans un contexte inédit, un contexte de tensions,
un contexte que l’on peut qualifier de chaos démocratique et social.

Ce chaos est provoqué par le choix du passage en force, le choix de recourir à l’article 49.3 de la
Constitution pour faire adopter cette réforme. Vous avez-vous-même reconnu qu’une majorité de
parlementaires l’aurait rejetée.

La retraite par répartition c’est un choix de société pas juste un rectificatif du projet de loi de finance
de la sécurité sociale.

Nous attendons les décisions du Conseil Constitutionnel mais d’ores et déjà cette réforme n’a pas
de légitimité sociale, pas de légitimité populaire, pas de légitimité démocratique.

La responsabilité de la situation explosive dans laquelle se trouve le pays, n’incombe pas aux
organisations syndicales mais exclusivement à l’exécutif qui s’est entêté face à une mobilisation
massive qu’il n’a pas voulu voir ni entendre.

Madame la Première Ministre, il faut retirer cette loi.

Est-ce que vous allez retirer cette loi ?

 

Intervention FO à Matignon